Vendredi 17 Novembre 2017
Vendredi 17 Novembre 2017
Le beurre, l’argent du beurre et la sœur de la crémière. La stratégie et la PA 22+ esquissée par le Conseil fédéral veut tout à la fois : davantage de marché, davantage de performances environnementales avec les enjeux que l’on connait et soi-disant plus d’esprit d’entreprise en assignant sournoisement des objectifs sur résultats plutôt que sur des mesures comme c’est le cas aujourd’hui.
A la lecture du rapport, les sept sages vantent les mérites de l’ouverture des marchés agricoles, en annonçant la couleur : « il n’est guère possible d’obtenir des résultats avantageux pour l’économie nationale sans concessions notables sur le domaine agricole. »
Les défis d’une compétitivité inéquitable, de prestations environnementales toujours plus exigeantes et de soutiens financiers de la Confédération en baisse rend l’équation résolument impossible
Le document laisse furieusement penser que sa rédaction date d’avant le 24 septembre, sans considération aucune de la votation sur la sécurité alimentaire qui demande notamment l’intégration des paramètres de durabilité dans les négociations transfrontalières. Ce rapport est donc non seulement une menace pour nos familles paysannes mais aussi un mépris de la volonté populaire avec un Conseil fédéral en rouleau compresseur et un Johann Schneider-Ammann en fin connaisseur des commandes de l’engin...
Les défis d’une compétitivité inéquitable, de prestations environnementales toujours plus exigeantes et de soutiens financiers de la Confédération en baisse rend l’équation résolument impossible pour nos exploitations dont un tiers pourrait faire les frais d’une telle stratégie. En imaginant même rehausser temporairement la TVA, les propositions brutes de décoffrage reprennent les fameuses mesures d’accompagnement comme soins palliatifs pour tenter de faire passer la pilule, tout en faisant croire aux consommateurs qu’ils gagneront grandement avec l’ouverture des marchés. Un leurre puisque le passé nous a maintes fois montré que la baisse des prix aux producteurs n’a pas vraiment profité aux consommateurs mais bel et bien aux marges des intermédiaires et distributeurs compte tenu de leur concentration. Etrange que le rapport élude les déséquilibres de répartition de la valeur ajoutée au sein des filières mais ne fasse que critiquer la forte dépendance aux paiements directs que la Confédération à elle-même voulu en se retirant des marchés. Par ailleurs, avancer l’argument que les produits agricoles dans l’UE sont devenus encore plus compétitifs avec le recul des soutiens communautaires reflète un véritable déni de la situation précaire des familles paysannes européennes.
Avec un niveau de coûts suisses qui continuera d’influencer les structures de transformation et de commercialisation, comment vouloir rendre l’agriculture suisse compétitive sans protection douanière avec l’UE et par exemple un prix de la viande bovine qui pourrait chuter de 53% ? Comment attendre des familles paysannes davantage de prestations alors qu’on songe déjà à réduire les soutiens ? L’agriculture suisse a assez servi de monnaie d’échange. Que le Conseil fédéral s’attelle à améliorer la situation difficile de nos familles paysannes plutôt qu’à la péjorer une fois encore !
Michel Darbellay, directeur de la Chambre jurassienne d’agriculture
Interview sur RFJ
« Le Conseil fédéral nous envoie aux soins palliatifs ! », La Matinale du 7.11.2017