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Echappées belles au Mercosur

Jeudi 17 Mai 2018

Jeudi 17 Mai 2018

La mission de Johann Schneider-Ammann dans les pays du Mercosur vient de s’achever. A en suivre les tweets, on se serait cru dans la célèbre émission Echappées belles. Il faut admettre que quand on reçoit un hôte chez soi, surtout pour discuter affaires, on n’a pas tendance à lui montrer l’envers du décor.

L’image sympathique du Ministre de l’économie avec sa délégation autour d’un feu, dans un parc avec vue sur des bovins au pâturage, tranche pour le moins avec les feedlots, véritables usines à viande en plein air dopées au soja OGM, ou avec les parcs avicoles démesurés.

Au terme de son périple, le ministre sur le départ vantait encore dans un tweet les hauts standards d’hygiène, d’efficience et de traçabilité de la production de viande sud-américaine. Nous attendons encore impatiemment le feed-back de notre conseiller fédéral et de sa délégation sur les conditions de production discutables, sur l’administration d’antibiotiques alimentaires comme stimulateurs de performances, sur la protection et les transports d’animaux ou encore sur l’élevage industriel. Ce tableau non exhaustif de pratiques tranchant avec le Swiss Made et avec les attentes de nos consommateurs confirmées le 24 septembre dernier, font planer une concurrence déloyale non seulement pour la viande de bœuf, mais certainement encore davantage pour la volaille, le porc ou encore le sucre suisse.

En annonçant son départ pour la fin de la législature, le Conseiller fédéral affirme vouloir encore mettre sur pied « une bonne politique agricole en collaboration avec le monde paysan ». Le voyage sud-américain illustre une volonté de conclure coûte que coûte un accord avec le Mercosur comme héritage de fin de carrière au Conseil fédéral. Quand on connaît la place donnée aux autres aspects que le business dans les accords de libre-échange, comment Johann Schneider-Ammann peut-il encore croire pouvoir négocier, à temps, un accord respectant la durabilité avec le Mercosur et proposer une bonne politique agricole pour le monde paysan ? Voyons plutôt derrière ce discours le seco et l’ultralibéralisme profiter de la fin de règne de l’ex-industriel pour faire le forcing sur le dos de notre agriculture. Les familles paysannes et les consommateurs ont tout à perdre d’un accord négocié à la va-vite.

A ce stade et même si certains tentent de relativiser la portée d’un tel accord, on ne parle pas de concessions mais de véritables sacrifices pour notre agriculture, sans contreparties. Les mêmes qui demandent à notre agriculture de s’ouvrir davantage sont aussi ceux qui critiquent les montants d’aides directes et qui exigent toujours plus d’engagements de notre production indigène. Paradoxal.

Michel Darbellay, directeur AgriJura