Le billet d'humeur

Le billet d'humeur des jeunes agriculteurs

De manière régulière et selon l'actualité, les Jeunes agriculteurs jurassiens partagent leur état d'esprit dans un billet d'humeur factuel, spirituel, revendicateur, humoristique ou politique.

En partageant ces articles dans les médias régionaux et nationaux et sur les réseaux sociaux le groupe JAJ espère susciter des réactions et engager la discussion avec la population, les politiques et les collègues tout en faisant germer quelques idées.

Bonne lecture !

Plutôt à droite ou à gauche notre climat ? (11.06.2019)

Notre belle planète bleue se réchauffe, son climat se dérègle. Nous ne pouvons plus le nier – à moins d’être américain… La COP21 se voulait ambitieuse en limitant ce réchauffement à 2°C grâce à un mécanisme juridiquement contraignant à partir de 2020.

Cependant et sans surprise, le président Trump retirait les États-Unis de l’accord en 2017 selon sa promesse de campagne et au grand dam de la communauté internationale.

Nous, petits suisses, nous indignions alors d’un tel retournement de situation. Il ne pouvait en être autrement dans notre si beau pays où toutes les formations politiques soutiennent la lutte contre le réchauffement climatique. Toute ? Non, deux partis résistent toujours à l’envahisseur : l’un vient de s’inventer un substitut de conscience écologique –premier résultat tangible des manifestations pour le climat – , l’autre s’entête à croire que l’immigration fait plus de vague que la montée des océans tout autour du globe.

Alors, quand la jeunesse helvétique descend dans la rue, lassée par l’inaction de ses pairs – ou de son père parfois – la politique s’empare rapidement de l’affaire. Les critiques fusent ! Les râleurs décrient ! Entre ceux qui s’exclament que jamais on aurait vu pareille grève un jour férié et ceux qui décrivent une jeunesse pourrie-gâtée, opportuniste et rêveuse, s’en allant la fleur au fusil manifester alors que le petit chinois, lui il bosse déjà ! Brave petit chinois, pensent-ils… C’est sûr que lui, on l’entend moins, pensent-ils…

Alors entre les uns et les autres, ne peut-on pas simplement se féliciter ? La critique est trop facile, tout comme rejeter la faute sur le voisin. Bien sûr, descendre dans la rue ne résoudra pas tout. Mais c’est une première prise de conscience importante.

Ne désespérons pas pour l’avenir de notre chère planète. Il est entre nos mains. Forgeons-le avec toute la fougue et la vigueur propre à notre âge ! Dépolitisons le débat sur le climat et usons de notre bon sens une fois pour toute, sans détour, ni manœuvre pour récolter des voix aux élections fédérales de cet automne…

Fabien Brahier

Oser, toujours. (20.12.2018)

En tant que jeune agriculteur, je trouve qu’il ne faudrait pas hésiter à essayer les choses qui nous passent par de la tête. Après réflexion, bien sûr! Sans avoir peur de faire faux, surtout lorsqu’on imagine ce que les générations précédentes risquaient sans avoir pu s’informer aussi facilement qu’aujourd’hui. Que ce soit dans n’importe quels domaines de notre magnifique et polyvalent métier, il vaut la peine d’accentuer nos efforts dans nos taches préférées où l’on est généralement les plus performants et motivés. Ainsi nous pourrons développer une agriculture plus moderne, plus rapide et moins coûteuse pour faire face à l’avenir.

Nous avons la chance de travailler en famille et nous devons (c’est même une obligation à mes yeux) mettre en valeur les forces de chacun. Les débats autour de la table mettent le poivre dans la sauce pour toujours trouver la meilleure solution. C’est ainsi que nous pourrons garder le plaisir dans nos travaux quotidiens. Par exemple lorsque nous nous occupons des êtres vivants qui ne feraient pas long sans nous !

D’autre part, se faire un petit cadeau de temps à autre n’est pas interdit. C’est toujours bienvenu lorsqu’un petit investissement permet de faciliter le travail. Peu de monde sait que nous sommes toujours disponibles pour nos animaux, pour un vêlage au milieu de la nuit, charger des animaux de boucherie à 2h du matin ou prodiguer des soins. Mais certaines personnes le voient quand même, et soutiennent l’agriculture suisse de tout cœur. Pour préserver ce lien, je trouve qu’éviter de mener les engrais de fermes le samedi soir avant les barbecues tant appréciés d’une belle soirée à 30 degrés est une règle à respecter (si la viande sur le grill est suisse, naturellement).

En voyageant dans plusieurs pays de mentalités différentes, j’ai remarqué que tous chefs d’exploitations sont très intéressés à notre manière de faire. En connaissant notre politique agricole relativement stable, les moyens à disposition et la réputation de nos connaissances parfaites sur les nombreux secteurs à gérer. Ils admirent que nous puissions garder notre place sur le marché, même avec de petites structures.

Restons aux structures. Petit ou grand domaine, comment les définir?! A partir de quoi et quand ?! Personnellement je ne trouve pas que les autorités ont à décider cela, car un bon patron avec finances et environnement sains est capable d’estimer ses compétences et de garantir la viabilité de son système. Tout cela pour dire que s’agrandir à tout prix est un no go à mon avis. Même si notre système financier va dans la direction de toujours plus endetter les professionnels, soi-disant pour éviter des impositions excessives. D’ailleurs, les reprises de jeunes agriculteurs, que ce soit familiale ou hors famille sont toujours plus difficiles. J’ai la chance d’avoir eu des discussions avec des agriculteurs d’un certain âge dans le monde entier : En restant optimistes, ils nous souhaitaient tous bon courage et signalaient que là où on travaille beaucoup, il n’est pas interdit de gagner quelques chose. Un petit clin d’oeil d’un fermier avec un domaine dont la surface contenait 4 chiffres, mais je suis sûr que même lui avais des soucis !

Pour la faim (fin), une chose est certaine: No Food, No Farm, No Future et Joyeux Noël

Ronny Villiger

La démocratie dans nos assiettes (06.09.2018)

Depuis des lustres, la croyance populaire veut que le peuple romain se soit un jour satisfait de pain et de jeux. C’est montrer bien peu de considération à l’une des cultures les plus fascinantes de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, la dictature du marché nous dupe avec des prix éloignés de la réalité et des divertissements sensés nous faire avaler le tout. La population suisse ne doit pas se laisser sous-estimer de la sorte et doit prétendre à bien mieux que cela.

Les deux initiatives alimentaires sur lesquelles le peuple suisse aura la chance de se prononcer le 23 septembre sont l’occasion rêvée de montrer au monde entier que nous ne sommes pas si naïfs. Chacun a le droit de décider en toute transparence du contenu de son assiette. Et ce droit n’est pas acquis aujourd’hui.

Un avenir durable

Dans le cadre de leur formation, lorsque les jeunes agriculteurs jurassiens dessinent la ferme de leur rêve, c’est le mot « épanouissement » qui orne la façade de l’étable. D’ailleurs, le groupe des jeunes agriculteurs jurassiens est unanime et intraitable quant à sa vision pour les exploitations du canton. Elles doivent continuer à s’inscrire dans un système cohérent et durable. Un système qui ne se soumet pas aveuglément aux lois du marché, mais s’engage à répondre aux besoins de l’être humain et de l’environnement. Malgré cette volonté marquée, sa réalisation n’est pas garantie aujourd’hui. En effet, la pression sur les prix oblige les producteurs à des économies d’échelles portant parfois atteinte à la durabilité du système. En garantissant des prix rémunérateurs et la transparence totale dans la formation des marges dans la chaine de valeur, l’initiative d’Uniterre a le potentiel de remplacer l’illusoire libre choix du consommateur en une véritable souveraineté de ce dernier en matière d’alimentation.

A ceux qui s’inquiètent d’une augmentation des prix à la consommation, répondons simplement qu’une marge de manœuvre importante se cache dans l’opacité des marges que se partagent les distributeurs et les transformateurs… Le prix du lait, qui évolue en dents de scie sur les ferme de la région n’a pas bougé depuis des années dans les supermarchés. Certains tirent les marrons du feu sans avoir fourni le bois de chauffe.

Des normes équitables

L’agriculture suisse propose des denrées d’excellente qualité, produites dans le respect de normes parmi les plus strictes au monde. Cet état de fait prouve la volonté déjà existante de fournir des aliments respectueux du bien-être animal, de la nature et de la population. Si elle fait figure d’exemple, la Suisse se satisfait pourtant de ce statut, alors que le potentiel pour faire encore mieux existe. C’est faire preuve de bon sens que d’étendre ces règles de qualité à nos exportateurs. De bon élève, notre pays doit passer professeur et devenir un vrai leader d’une production agricole durable.

Les jeunes agriculteurs jurassiens, en votant oui aux deux initiatives sur l’alimentation souhaitent donner une clé au Conseil Fédéral pour se libérer du modèle économique industriel dans lequel il s’est emprisonné. Ainsi, le peuple ouvrira la porte à une politique agro-alimentaire dont il sera le souverain.

La Suisse a les moyens de s’engager pleinement dans son rôle de pionnière en matière de politique agro-alimentaire. Disons oui et faisons un pas précurseur en faveur de nouveaux paradigmes pour les marchés alimentaires et le monde agricole. A l’heure où les jeunes se désintéressent de plus en plus des partis politiques, voici l’occasion rêvé d’engager une vraie démocratie populaire dans nos assiettes, pour que chacun de nos repas aient valeur d’engagement citoyen et d’acte social.

Le comité du groupe Jeunes agriculteurs jurassiens

L'agriculture tributaire des conditions météorologiques (13.08.2018)

La Suisse, comme bon nombre d’autres pays, suffoque sous une canicule persistante. Avec le manque de pluie qui met en péril les cultures, il y aura un manque de fourrage l’hiver prochain. Les pâturages sont grillés et les vaches laitières sont affouragées à l’étable depuis déjà plusieurs semaines. Ce manque sera quantifiable cet automne lorsque les récoltes seront terminées. Mais il risque d’être important. Les exploitations devront chercher à ne pas puiser dans leur trésorerie plus qu’une année normale. Il faudra essayer de compenser la dépense liée à l’achat d’un peu de fourrage, malgré tout nécessaire, par la vente d’animaux supplémentaires par rapport à une année moyenne. La vente d’une partie des vaches les moins productives permettra d’augmenter le lait produit par vache mais le lait total vendu diminuera. Cette décapitalisation du cheptel va se répercuter les années suivantes par la nécessité de remonter en cheptel reproducteur si nous voulons retrouver la situation initiale. Cette solution sera peut-être prise par certains exploitants même si je sais qu’il est difficile ensuite de remonter un troupeau à la hauteur de celui de départ. Mais il se peut que l’abaissement du cheptel soit définitif et qu'on arrive à un nouvel équilibre fourrages/cheptel avec une plus faible charge en bétail sur l’exploitation.

La situation actuelle reste très tendue avec de nombreuses cultures agricoles qui souffrent. Je pense que le manque d'eau accompagné de températures élevées va encore accentuer le phénomène de sécheresse car il y aura davantage d'évaporation et de transpiration des plantes ce qui assèchera les sols.

Face à cette situation, il ne sert à rien de se lamenter, mais trouver des solutions les plus durables que possible sur chaque exploitation afin de garder le maximum d’indépendance. Si j’ai choisi ce métier, c’est également pour la liberté qu’il me procure. Néanmoins l’adaptation de chaque exploitation agricole face au réchauffement climatique reste un grand défi.

L’adaptation des cultures et des pratiques agricoles afin de diminuer leur consommation en eau est certainement la mesure la plus durable. J’ai remarqué que les zones ombragées avaient moins souffert de la chaleur. Peut-être que planter des arbres entre des cultures avec des racines plus profondes sera un choix judicieux ? La sécheresse est l’ennemi jurée des agriculteurs. Il existe des solutions pour adapter son système à cette problématique. Toute cette organisation est encore plus compliquée en période de sécheresse lorsque l’herbe verte commence à se faire rare. Passé 22°C, nos ray-grass ne poussent plus. Si les températures continuent d’augmenter au fil des années, nous devrons faire évoluer nos pâtures pour aller vers plus de dactyle, de la fétuque et penser à des mélanges différents à base de luzerne pour nos prairies. Nos bâtiments agricoles devront également être adaptés. Par exemple sur notre exploitation, des transformations ont déjà été faites afin que nos vaches puissent s’ébattre dans le plus grand confort : des brumisateurs ont été installés, des zones ombragées ont été aménagées et le bétail sort au pâturage uniquement la nuit. Une isolation de la couverture du rural serait aussi à réfléchir.

Mais mon comportement devra aussi changer : utiliser l’eau de manière plus rationnelle et limiter au mieux les émissions de CO2. Cela ne sera pas nécessairement facile, mais j’espère aussi par mes petits gestes contribuer à ce que l’empreinte écologique de l’être humain soit diminuée afin que notre planète reste habitable.

Cyril Flury

Jeune agriculteur, passion sous pression (7.6.2018)

En ce beau mois de juin, le printemps est déjà bien entamé et la période des récoltes va commencer, l’heure pour les JAJ de faire le point sur la situation et le rôle de leur métier…

Pas facile l’agriculture. Scandales dans les médias, manifestations antispécistes, plaintes et critiques de la population, pression sur les prix, accords de libre-échange avec le Mercosur, changements de politique agricole, raz-de-marée administratif etc. L’agriculture est encore et toujours mise sous pression de tous les côtés. Il faut du courage pour se lancer dans ce métier. Et pourtant, le nombre de jeunes qui se lancent dans la profession prouve que le secteur n’est pas à l’abandon.

Notre métier est dur, certes, mais a aussi beaucoup d’atouts. Il est varié, proche de la nature et des animaux et gérer une ferme est un défi très enrichissant. De plus, nous avons un rôle indispensable pour le monde et la population. Que seraient nos villes sans paysans ?

L’agriculture suisse a passablement évolué ces dernières années. Son principal rôle, nourrir le pays, a perdu en importance pour évoluer vers la multifonctionnalité. Ainsi, la promotion de la biodiversité, l’entretien du paysage et l’occupation décentralisée du territoire sont les rôles qui incombent aujourd’hui à l’agriculture. De ce fait, les prix des produits agricoles sont à la baisse et une partie du revenu des agriculteurs est attribuée par la Confédération sous forme de paiements directs. Ces contributions permettent de rétribuer les services qui ne se monnaient pas directement. La Confédération et les décideurs politiques ont donc une grande influence sur notre revenu.

Il est fort probable que notre métier évolue encore fortement ces prochaines années. Les changements climatiques, la volonté de la population et principalement la politique agricole font que le secteur est en constante mutation. La nouvelle politique agricole annoncée par la Confédération pour 2022 est une crainte pour bon nombre de paysans. Le peuple suisse influencera aussi grandement le virage de l’agriculture puisqu’il sera appelé plusieurs fois aux urnes ces prochaines années pour des sujets touchant grandement notre métier (souveraineté alimentaire, eaux claires,…). Nous espérons que, comme le 24 septembre 2017, le peuple soutiendra les paysans dans les différentes votations.

Malgré les difficultés et l’incertitude qui règne dans notre secteur, nous, les jeunes agriculteurs, sommes prêts à nous engager pour le métier et à relever le défi de reprendre une exploitation agricole. La Suisse ne peut pas vivre sans agriculture, notre métier est une base indispensable. Nous sommes persuadés que la population est consciente de ce fait et qu’elle continuera à nous soutenir à travers ses achats (locaux), ses décisions politiques, sa tolérance (sur la circulation, le bruit,..) et sa confiance. Grand merci à elle.

Marc Kury

Le retour du printemps ! (16.04.2018)

Voici déjà quelques temps que le printemps a officiellement débuté, même si l’hiver a eu bien de la peine à le laisser s’installer. Maintenant il est enfin là, ce fameux printemps. Pour les agriculteurs, comme pour beaucoup de monde, le retour du printemps est un moment très attendu. Pour nous, ça veut dire qu’on ne se gèlera plus les oreilles, ni les orteils, que nous croiserons bientôt le soleil en se levant tôt le matin, que nous pourrons gentiment arrêter de nous inquiéter pour le fourrage qu’il nous reste pour passer l’hiver. Car, vous l’aurez compris, qui dit printemps dit retour dans les champs !

Quand l’hiver est long, nous devons stocker pas mal de lisier et on se réjouit donc de pouvoir faire un peu de place quand le beau temps revient. D’ailleurs, nous nous s’excusons d’avance pour les odorats délicats (ou moins délicats)… Au printemps, vous retournez dehors et nous le savons, ce n’est pas toujours agréable comme odeur. Malgré tout, nous vous sommes reconnaissants pour votre compréhension pendant ces quelques jours où l’on essaie de mettre en valeur un produit naturel pour le bien de nos terres et pour livrer ensuite un produit final de bonne qualité.

Nous ne sommes pas les seuls à être contents de retrouver le printemps ! Nos animaux le sont tout autant. Au printemps, après s’être réchauffés à l’intérieur tout en pointant le nez dehors aussi souvent que possible, il est temps de retrouver les vastes pâturages pour nos chevaux, vaches, moutons, chèvres et parfois cochons. En effet, quoi de plus beau que de les voir sauter de joie dans les champs. Le printemps, c’est aussi le moment des poulinages pour les éleveurs de chevaux, de longue nuit à veiller jusqu’à ce que le moment soit venu de savoir quelle tête s’était cachée pendant ces 11 derniers mois.

Pour les éleveurs laitiers, c’est le temps de souffler en laissant enfin les vaches manger toutes seules dehors et en laissant les génisses profiter des vastes espaces qu’elles pâtureront tout l’été.

Mais malheureusement, si le printemps est le plus beau moment de l’année, il ne nous empêchera pas longtemps de penser que le prix du lait ne va pas bien, que les frontières qui s’ouvrent vont nous faire du tort, qu’un nouveau scandale alimentaire nous tombera bientôt dessus, que le prix des produits ne couvre plus nos factures et que peut-être que c’est la dernière fois que nous vivrons ses moments extraordinaires que nous amènent le printemps… Seul le soutien des consommateurs nous permettra d’accéder à un prix équitable et de vivre encore souvent de beaux printemps dans nos champs. On compte sur vous !

Emilie Boillat

Mot des JAJ à l'Assemblée générale d'Agrijura (02.03.2018)


Monsieur le (nouveau) président, Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, chers collègues,

En 1982, aucun membre des Jeunes agriculteurs jurassiens n’était né. Il y a 36 ans, le procès-verbal de l’Assemblée générale de la CJA mentionnait déjà les problèmes de campagnols, les prix des produits agricoles, mais aussi la coopération entre exploitation, la diversification et le dynamisme général de l’agriculture jurassienne.

Les campagnols ? Organisons-nous pour lutter contre ces rongeurs plutôt que de nous plaindre. La lutte collective fonctionne. On l’a vu en Franche-Comté.

Les prix des produits agricoles ? Cela reste un sujet qui fâche, nous le reconnaissons. Cela est même scandaleux, les agriculteurs sont exploités et l’horizon reste bien sombre. Mais je ne vais pas m’attarder là-dessus devant une assemblée de convaincus. Laissons nos organisations nous défendre et espérons que les politiciens soutiennent une agriculture durable. Nous, agriculteurs, pouvons agir sur notre ferme en attendant une augmentation des prix de nos produits. Travaillons à optimiser nos coûts de production pour augmenter un peu nos marges. On l’a vu avec le projet des JAJ, il y a du potentiel dans chaque exploitation.

Bref, en cette année d’élection – aussi dans le groupe des Jeunes agriculteurs -, nous voulions changer le rythme de ces « divers » qui se ressemblent trop, année après année et recentrer un peu la discussion sur le dynamisme de notre secteur.

Alors, plutôt que parler des malheurs de l’agriculture, le groupe des Jeunes agriculteurs souhaite évoquer l’avenir de l’agriculture jurassienne. Et contrairement à ce que certains croient, nous avons de nombreux atouts en main. Remettons-nous parfois en question.

Nous avons un grand avantage, on connaît les défis auxquels nous serons confrontés. Pour résumer : le climat s’emballe, les frontières s’ouvrent, les consommateurs s’éloignent de la réalité du monde agricole.

Concernant le climat, nous ne pouvons pas attendre avant de réagir. Le secteur agricole doit s’adapter aux risques (adaptation des cultures, préservation d’une biodiversité qui nous est indispensable, etc.).

Au niveau de l’ouverture des frontières, nous devons le prévoir et affirmer la qualité des produits issus de nos exploitations. Il est important de récupérer la plus-value sur le lieu de production. Nous devons travailler pour nous démarquer de l’agriculture étrangère.

Et au sujet des consommateurs, il faut travailler à refermer la brèche ouverte entre certains consommateurs et les milieux agricoles en recréant des liens de confiance et de transparence. Le groupe JAJ a donc décidé de mener une campagne d’information pour le grand public sur les réseaux sociaux. L’agriculture doit montrer ce qu’elle fait. On doit montrer l’exemple si l’on veut que le consommateur paie plus cher pour nos produits. On n’a pas le droit à l’erreur. Laissons les scandales alimentaires à l’étranger.

Pour nous, jeunes agriculteurs et pour nous tous, agriculteurs, il faut prendre notre destin en mains et créer les conditions pour notre succès. Et le potentiel est énorme. Comme en 1982, la coopération entre exploitation permet de réduire les coûts de production, la recherche agronomique et les succès en champs doivent être diffusés pour servir au plus grand nombre. Tant pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires que pour faire face aux aléas climatiques. Enfin, nous devons continuer à aller à la rencontre des consommateurs pour leur montrer la réalité des exploitations.

Pour citer la maxime des Jeunes agriculteurs : Faisons germer nos idées. Et nous espérons en avoir semé quelques-unes dans cette assemblée.

Merci pour votre attention.

Le groupe JAJ

La confiance en l’agriculture passe par la transparence et le dialogue (15.02.2018)


Tribune parue dans Terre et Nature N°7, 15 février 2018. Pour les Jeunes agriculteurs jurassiens, le comportement d’une minorité de consommateurs ne doit pas occulter la confiance en l’agriculture suisse dont témoigne une grande partie de la société.


Nous, acteurs de la société civile, Européens nés après mai 1968, sommes des privilégiés. Nous n’avons jamais vécu la guerre, nous n’avons jamais eu faim, nous avons tout loisir d’étudier et de partager nos opinions. Nous sommes nés dans un luxe inouï et pourtant. Pourtant, nous sommes insatisfaits de tout. Ainsi la qualité indiscutable de la production alimentaire suisse est sans cesse remise en question.
Et pour cause. Si nos parents avaient encore souvent un pied dans l’étable, la plupart de nos concitoyens ne font plus le lien entre un hamburger et la vieille vache qui le constitue, ni entre les pâtes et les poules qui ont pondu les œufs nécessaires à leur fabrication.

Alors, plutôt que de remonter la filière à la rencontre des agriculteurs, nombre de consommateurs se sont mis en quête de leur propre vérité, via l’information de masse, et ils sont tombés de haut: poulets aux hormones, cheval dans les lasagnes, porcs enfermés dans des cages sombres et sales, etc. C’est effectivement scandaleux et il faut réagir. Mais cette réalité n’est pas celle des producteurs suisses. Et les cas isolés qui sont dénoncés sont de plus en plus rares dans notre pays.
En effet, une immense majorité des agriculteurs font preuve de bon sens et appliquent les prescriptions pour le bien de leurs animaux.
Cependant, lasses des meuglements et des odeurs de lisiers, avides de buildings et de goudron, les villes ont repoussé les producteurs pour les isoler dans des campagnes vertes, loin des yeux, loin du cœur. Ainsi lorsque, il y a vingt ans, il suffisait de pousser une porte pour observer l’intérieur d’une grange en traversant un village, aujourd’hui, peu de monde fait
encore l’effort de voir ce qu’il se passe vraiment dans les étables. Pour des raisons sanitaires, la mise à mort des animaux a aussi été reléguée aux abattoirs aseptisés des zones industrielles. Ce qui liait encore les consommateurs à la réalité de la production a ainsi été brisé et les éleveurs sont de plus en plus confrontés à des attaques de la part des défenseurs des animaux, notamment sur les réseaux sociaux. Malheureusement, ces attaques donnent trop souvent une vision erronée de la réalité. Biaisées par des images non
représentatives et condamnatrices, elles sont contreproductives pour toutes les parties. Et pourtant, les normes de protection des animaux, tout comme leur confort, sont parmi les plus exigeantes du monde.

Les étables sombres ont laissé la place à de vrais palaces où tout est pensé pour leur confort. Espace pour se mouvoir, brosses pour se gratter, paille fraîche et litière sèche, fourrage à volonté, brumisateurs, etc.
Tout cela parce que seul un animal sain et qui se sent à l’aise est capable de grandir, de prospérer et, finalement, d’assurer un revenu à l’éleveur. Si cela paraît évident pour nous, il ne faut pas voyager très loin pour constater que ce n’est pas quelque chose qui va de soi. Malgré le prix des produits et la situation parfois difficile de certains collègues, la priorité des
éleveurs reste le bien-être des animaux. Si les soutiens de la Confédération aident parfois à mettre en œuvre des mesures pour le bien-être animal, leurs effets peuvent être surprenants. Ainsi, par exemple, la généralisation des stabulations libres, promue – à juste titre – par les défenseurs des animaux, a conduit à une forte augmentation de l’écornage (destiné à éviter les blessures), combattu par ces mêmes personnes.
Pas facile à suivre! Et c’est bien là le rôle des institutions agricoles et du groupe des Jeunes agriculteurs jurassiens: montrer la complexité de notre travail pour rétablir une compréhension réciproque.

Transparence et dialogue sont les seules voies possibles, et ouvrent de belles perspectives. Le comportement d’une minorité ne doit pas occulter la confiance en l’agriculture suisse dont témoigne la grande majorité des consommateurs et qui prouve bien la qualité des biens et services fournis.

Marc Ritter, président du groupe JAJ et Ignace Berret, Animateur rural